Comprendre l’impact des émissions de gaz à effet de serre sur le climat
Le Haut Conseil pour le Climat (HCC) a publié, le 20 juin 2024, son rapport annuel. Le HCC est une instance indépendante chargée d’évaluer l’action publique en faveur du climat en France. Dans son dernier rapport, il salue la baisse des émissions de gaz à effet de serre (GES) en France : en effet, elle enregistre une baisse de 5,8% des émissions de GES en 2023 par rapport à 2022, soit une baisse deux fois plus importante que celle enregistrée chaque année entre 2019 et 2022. C’est donc un résultat cohérent avec les objectifs de décarbonation au niveau national à horizon 2030 : une baisse de 55% des émissions par rapport à 1990 (objectif de l’Union européenne).
Le HCC appelle à consolider cette trajectoire, tout en émettant des inquiétudes quant au retard pris sur la publication de textes législatifs indispensables pour mettre en place la décarbonation au niveau national.
La décarbonation consiste à réduire, voire supprimer, la consommation d’énergies fossiles pour faire fonctionner une organisation. Cette consommation entraîne en effet des émissions de gaz à effet de serre, qui ont un rôle de premier plan dans les changements climatiques que nous connaissons aujourd’hui, et leurs conséquences (politiques, sociales, sociétales, économiques, et sur les écosystèmes).
Cet article explorera l’impact des émissions de GES sur le climat.
1. Qu’est-ce que l’effet de serre ?
1.2. L’effet de serre additionnel, ou anthropique
1.3. Quantifier l’impact des différents GES sur le climat
2. Les sources d’émissions des GES
3. Les conséquences des émissions de GES.
3.1. Le réchauffement à l’échelle terrestre
Qu’est-ce que l’effet de serre ?
☁️Un phénomène naturel
Pour comprendre l’impact des gaz à effet de serre sur le climat, il est d’abord nécessaire de revenir sur l’effet de serre.
L’effet de serre est un phénomène naturel de rétention des rayons infrarouge émis par le soleil et réfléchis par la surface terrestre. Certains gaz, que l’on nomme “gaz à effet de serre”, naturellement présents dans l’atmosphère, empêchent une partie de ces rayons infrarouge de repartir dans l’espace. Ce sont ces rayons qui contribuent au réchauffement global de la température, à l’échelle terrestre.
L’effet de serre est un phénomène naturel. Sans lui, la température moyenne de la Terre serait de -18°C, et grâce à ce phénomène, elle est de 15°C, rendant la vie telle que nous la connaissons, possible.
🏭L’effet de serre additionnel, ou anthropique
Il faut toutefois distinguer l’effet de serre naturel, et l’effet de serre dit “additionnel”, d’origine anthropique (humaine). L’augmentation de la consommation des énergies fossiles entraîne une augmentation des émissions de GES, directement responsables de cet “effet de serre additionnel”, venant s’ajouter en surcharge aux GES déjà présents. Cet effet de serre additionnel est directement causé par l’augmentation de la consommation des énergies fossiles, et donc par l’augmentation des émissions de GES d’origine anthropique. En effet, la combustion des énergies fossiles émet des GES.
Si les émissions de GES augmentent, alors la concentration de GES dans l’atmosphère augmente également. On constate cette augmentation depuis la révolution industrielle, période de progrès fulgurants et de modification radicale de nos modes de vie, du fait de la consommation d’énergies fossiles.
Elle crée un déséquilibre entre l’énergie qui entre dans l’atmosphère et l’énergie qui en sort. Cette mesure (écart entre énergie sortante et entrante) est appelée “forçage radiatif”, et se mesure en watts par mètre carré. Depuis la révolution industrielle, il y a moins d’énergie qui peut sortir de l’atmosphère qui n’en rentre, du fait de la plus grande concentration des GES, qui retiennent plus de rayons infrarouges.
Une dernière information à noter sur les gaz à effet de serre est qu’ils sont composés de molécules stables. Ils ne réagissent pas spontanément avec des éléments présents dans l’atmosphère (sauf la vapeur d’eau, qui se dissipe rapidement), et une fois qu’ils sont émis, ils y restent.
Les processus de dissipation (photosynthèse, dissolution dans l’océan…) prennent du temps, et la durée de vie d’un GES peut aller de 12 ans (méthane) à 50000 ans (halocarbures), en passant par 100 ans pour le dioxyde de carbone (CO2). Cela signifie que même si toutes les émissions de GES s’arrêtaient dans la minute, les effets des GES déjà présents dans l’atmosphère se feraient encore sentir sur plusieurs décennies. Actuellement, le GIEC prévoit un réchauffement jusqu’à au moins 2050.
Nous pouvons en conclure que :
- Le processus de réchauffement climatique est irréversible.
- Les conséquences ne vont faire qu’empirer.
🧮Quantifier l’impact des différents GES sur le climat
Lorsqu’on parle de GES, on mentionne souvent le CO2, toutefois il en existe plusieurs :
- Le dioxyde de carbone (CO2)
- Le méthane (CH4)
- Le protoxyde d’azote (N2O)
- L’ozone troposphérique (O3)
- Les halocarbures (gaz CFC, utilisés comme gaz réfrigérants entre autres)
- La vapeur d’eau (H2O)
Ces gaz ont tous un pouvoir de réchauffement global (PRG) différent. Pour pouvoir les comparer, il est considéré que le PRG du CO2 est de 1, et le PRG des autres GES se calcule par rapport à celui du CO2.
Par exemple, le méthane a un PRG de 25. Il est donc considéré 25 fois plus “puissant” que le dioxyde de carbone. A titre de comparaison, le protoxyde d’azote a un PRG de 298.
A noter que la vapeur d’eau émise par les activités humaines ne contribue pas à augmenter l’effet de serre de manière assez décelable pour être comptabilisée dans les émissions anthropiques.
C’est également pour cela que l’on parle “d’équivalent CO2” : pour pouvoir comparer l’impact des différents GES sur le climat, on les ramène à celui du CO2.
Les sources d’émissions des GES
Les sources d’émissions de GES, que ce soit à l’échelle d’un pays, d’une organisation, ou d’un particulier, sont identifiées à partir d’un bilan d’émissions de GES.
Il permet l’évaluation systématique des émissions de GES au niveau national, de l’organisation ou du particulier sur un an, soit la quantification de leur empreinte carbone. Il peut également être vu comme l’identification des flux physiques dont dépendent le pays, l’organisation ou le particulier pour faire fonctionner leurs activités.
🇫🇷En France
Le bilan carbone au niveau national, a pour but de surveiller l’évolution des émissions par rapport aux engagements internationaux et nationaux.
Par exemple, l’Union Européenne a pour objectif une réduction des émissions de 55% d’ici 2030 par rapport à 1990.
La France, dans le cadre de sa stratégie nationale bas carbone, a pour objectif d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, c’est-à-dire d’émettre autant d’émissions que d’en absorber. Pour ce faire, les objectifs de réductions sont chiffrés par secteur : l’industrie, l’agriculture, la production d’énergie, les forêts-bois et sols, le bâtiment et le transport.
Les formats et méthodologies utilisés pour faire la collecte des émissions de GES au niveau national d’un pays sont ceux de la Convention-Cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, et le format SECTEN en France.
Les sources d’émissions de GES au niveau national sont :
- 🛢️La consommation d’énergies fossiles pour le transport, le chauffage, l’industrie de production et transformation de l’énergie et l’industrie manufacturière. Ces procédés émettent notamment du dioxyde de carbone.
- 🐮L’agriculture, qui émet du CH4 (méthane, par la digestion anaérobie des bovins notamment) et du N2 (protoxyde d’azote, par les engrais utilisés).
- 🧪Les procédés industriels et les solvants utilisés dans les industries des minéraux non métalliques, des semi-conducteurs, de l’agro-alimentaire, et la mise en œuvre des chaînes du froid. Ces utilisations émettent du dioxyde de carbone et des gaz fluorés.
- ♻️Le traitement des déchets émet du méthane lors de la dégradation des déchets, et du CO2 lors de leur incinération.
- 🌳L’UTCATF, ou “l’utilisation des terres, le changement d’affectation des terres et des forêts”. Cette catégorie regroupe les émissions et absorptions de GES découlant des activités humaines liées à l’utilisation des terres. Même si les émissions de l’UTCATF sont techniquement naturelles, elles sont considérées anthropiques parce qu’elles sont induites ou conditionnées par les activités humaines (déforestation, afforestation, artificialisation des sols, impacts des pratiques agricoles sur les sols…). L’UTCATF peut aussi compter comme un puits de carbone dans l’inventaire national.
L’empreinte carbone de la France est estimée à 623 millions de tonnes équivalent CO2 en 2022, avec une empreinte par habitant de 9,2 tonnes équivalent CO2. Pour atteindre la neutralité carbone en 2050, cette empreinte par habitant doit atteindre 2 tonnes équivalent CO2.
🏢Pour les entreprises
Les postes d’émissions des entreprises sont identifiés à travers d’autres méthodologies de bilan. Il en existe 3 principales :
- Le GHG Protocol
- La méthode réglementaire (BEGES, uniquement en France)
- La méthode Bilan Carbone® (développée par l’ADEME et Jean-Marc Jancovici, en France).
Il existe également la norme ISO 14064-1 : 2018, qui spécifie les lignes directrices pour la quantification et la déclaration des émissions de GES, et sur laquelle est alignée la méthode réglementaire entre autres.
Le GHG Protocol définit les 3 scopes dans lesquels classer les postes d’émissions. Avec les autres méthodes, les scopes se sont précisés en plusieurs catégories :
- ⚡Emissions directes liées à l’énergie (scope 1)
- 🔌Emissions indirectes liées à l’énergie (scope 2)
- 🚚Emissions indirectes liées au transport (scope 3)
- 🛒Emissions indirectes liées aux produits achetés (scope 3)
- 💶Emissions indirectes liées aux produits vendus (scope 3)
- ↕️Autres émissions indirectes (scope 3).
A travers ces catégories, on identifie ainsi plusieurs postes d’émissions, qui dépendent de l’entreprise évaluée. Certains postes sont relativement souvent identifiés (consommation d’électricité et d’essence par exemple), tandis que certains sont véritablement propres aux entreprises (produits achetés ou vendus notamment). Par exemple, certaines entreprises achètent du bois, d’autres non. Certaines vendent du mobilier, d’autres des vélos, d’autres encore des services.
La formule utilisée pour évaluer l’empreinte carbone d’une entreprise, lors de la réalisation d’un bilan GES, est :
Données d’activités x Facteur d’émission.
Les données d’activités sont des données indiquant la consommation de l’entreprise d’un poste d’émission. Par exemple, les litres d’essence consommés en déplacement professionnel, le nombre d’ordinateurs possédés, les euros dépensés en gardiennage…
Les facteurs d’émissions de carbone sont des coefficients qui convertissent ces données en émissions effectives de GES.
Les conséquences des émissions de GES
Il est nécessaire de réduire les émissions de GES parce qu’elles sont à l’origine du changement climatique, et en conséquence, ont un impact considérable sur l’environnement et nos lieux de vie.
🔥Le réchauffement à l’échelle terrestre
Commençons par le plus connu : le réchauffement global de la température à l’échelle terrestre. L’Accord de Paris (2015) exhorte les pays signataires à faire en sorte de limiter ce réchauffement à 2°C d’ici 2100, 2°C étant considéré comme la limite à ne pas dépasser pour éviter un emballement climatique : l’activation de boucles de rétroactions irréversibles qui ne feraient qu’accentuer le dérèglement que nous connaissons.
Ce réchauffement n’est pas simplement un passage de 30°C à 32°C en été. Une analogie plus pertinente est celle de la température du corps humain : un réchauffement de 2°C à l’échelle terrestre serait comme passer de 37°C à 39°C en température corporelle. Autrement dit, un changement radical des conditions de vie.
Un réchauffement de la température à l’échelle terrestre entraîne donc un dérèglement du système climatique, et donc des phénomènes météorologiques plus fréquents et plus extrêmes. Incendies, canicules, sécheresses, crues, déplacements de populations animales, cyclones, n’en sont que quelques exemples, qui sont déjà vécus tous les ans : incendies de forêts au Canada ou en Australie, canicules en France, en Inde, au Brésil, crues dans le Nord de la France, sécheresse dans le Sud et en Espagne…
🪸L’acidification des océans
Les océans sont un puits de carbone naturel, c’est-à-dire qu’ils absorbent naturellement le carbone contenu dans l’atmosphère. L’une des manières pour le CO2 de s’épurer de l’atmosphère est donc de se dissoudre dans l’océan.
Ce faisant, le CO2 réagit avec l’eau et forme des molécules qui contribuent à la baisse du pH de l’océan, donc à son acidification. Depuis la révolution industrielle, le pH de la surface des eaux des océans a baissé d’environ 0,1. Cela signifie que l’eau est environ 28% plus acide.
Des variations de l’ordre de 0,2 d’unité de pH ont déjà eu lieu, mais se sont fait sur des dizaines de milliers d’années, laissant ainsi le temps aux écosystèmes marins de s’adapter.
L’acidification actuelle est beaucoup plus rapide, et pose beaucoup de problèmes à la survie des espèces marines. Elle peut par exemple modifier la manière dont les sons sont transportés dans l’eau, et donc la manière de communiquer de certaines espèces. Elle perturbe la mue des crabes et des homards, et affaiblit les coraux. Surtout, elle perturbe la formation de coquilles en calcaire pour des organismes à la base de la chaîne alimentaire, entraînant une perturbation de la biodiversité marine et terrestre.
🧊La fonte des glaces et la montée des eaux
Une autre conséquence de l’augmentation des émissions de GES est la fonte des glaces, que ce soient la banquise, les calottes glaciaires, ou les glaciers. La fonte de ces deux derniers types de glaces contribue à la montée des eaux, parce qu’elles y ajoutent un volume qui n’était pas compris dans le volume initial (contrairement à la banquise).
En conclusion, l’augmentation des émissions de GES entraîne un changement climatique qui amène à une modification radicale de nos lieux de vie, de l’environnement, et des ressources dont nous dépendons pour nos activités et nos modes de vie. Il est nécessaire de préserver notre environnement et son fonctionnement pour continuer à pouvoir exercer nos activités de manière pérenne et réduire le risque climatique.