Empreinte carbone : l’impact de la très grande entreprise
Dans le cadre de sa transition écologique et énergétique pour lutter contre le dérèglement climatique, la France s’est engagée à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 avec l’adoption d’une stratégie nationale bas carbone révisée en 2020. La neutralité carbone signifie que toutes les émissions de gaz à effet de serre (GES) devront être compensées par la séquestration du carbone dans les puits naturels (océans, atmosphère, forêts). Pour atteindre cet objectif, il est essentiel de réduire son empreinte carbone, et les grandes entreprises sont concernées, que ce soit dans le secteur tertiaire, secondaire ou primaire.
Une grande entreprise est une entreprise comptant plus de 5000 salariés et réalisant au moins 1,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires, et au moins 2 milliards d’euros de bilan. Des exemples français sont Danone, Carrefour, ou Total.
L’empreinte carbone d’une entreprise est la quantité de gaz à effet de serre émise par ses activités, mesurée en équivalent CO2. Pour quantifier ces émissions, en identifier les principaux postes, et définir un plan de réduction des émissions efficace, il faut réaliser un bilan des émissions de gaz à effet de serre (BEGES).
1. Pourquoi décarboner la grande entreprise ?
1.1 Être conforme aux réglementations
1.2 Répondre aux attentes des médias et du public
1.3 Une empreinte carbone significative
1.5 Attirer les jeunes talents d’aujourd’hui et de demain
2. Quelles difficultés pour les grandes entreprises à se décarboner ?
2.1 Difficultés de mobilisation interne
Pourquoi décarboner la grande entreprise ?
📝 Être conforme aux réglementations
Depuis la loi du 12 juillet 2010, dite « Loi Grenelle II », la réalisation d’un bilan des émissions de gaz à effet de serre pour les entreprises de plus de 500 salariés, incluant ainsi les grandes entreprises, est obligatoire. Depuis la promulgation du décret BEGES le 11 juillet 2022, le scope 3 est obligatoirement inclus dans le calcul du bilan, incluant ainsi les émissions indirectes qui ne sont pas sous le contrôle de l’entreprise. Inclure le scope 3 permet d’avoir une vision plus complète et exacte des émissions de GES d’une entreprise. Ce bilan GES doit être publié sur le site de l’ADEME et accompagné d’une stratégie de décarbonation.
Depuis le 1er janvier 2024, une nouvelle directive européenne s’applique : la CSRD, ou Corporate Sustainability Reporting Directive. Cette nouvelle directive remplace la NFRD et fixe de nouvelles normes et objectifs d’extra-reporting. Sont maintenant concernées les entreprises de plus de 250 salariés, les PME cotées en bourse, les collectivités territoriales de plus de 50 000 habitant, ainsi que des entreprises non implantées en Europe réalisant plus de 150 millions d’euros de chiffre d’affaires. Cela représente environ 50 000 entreprises, qui sont légalement tenues de reporter leur impact environnemental, et leur impact sur le respect des droits de l’Homme.
Les grandes entreprises font donc l’objet de réglementations strictes en matière de reporting et transparence en France et en Europe, et il est essentiel de décarboner leurs activités afin de répondre à ces exigences.
🌐 Répondre aux attentes des médias et du public
Les grandes entreprises font l’objet d’une attention particulière de la part des médias et des consommateurs, notamment en raison de leur poids dans l’économie et la société. Leurs activités (évènnement, service numérique, production…) décisions stratégiques ou performances financières ont un impact sur la société civile et l’économie mondiale. Il est d’autant plus important pour une grande entreprise d’avoir des engagements qui résonnent avec ses consommateurs et les enjeux contemporains (dont le dérèglement climatique, avec une démarche de décarbonation par exemple), et de s’y tenir pour ne pas perdre l’opinion publique.
💨 Une empreinte carbone significative
D’après une enquête publiée dans le journal britannique The Guardian, 20 entreprises auraient émis 35% du total des émissions de gaz carbonique depuis 1965, soit 480 milliards de tonnes de CO2.
Dans la continuité de ce chiffre, selon un rapport publié en 2017 par l’ONG Carbon Disclosure Project en partenariat avec le Climate Accountability Institute, 100 entreprises seraient responsables de 71% des émissions de gaz à effet de serre depuis 1988.
❌ Éviter le greenwashing
Si les grandes entreprises sont parfois promptes à s’engager pour la cause environnementale, certaines analyses indiquent que la réalité n’est pas toujours à la hauteur de ces engagements.
Un rapport du New Climate Institute a examiné les engagements de 25 grandes entreprises et a conclu qu’ils n’atteignent pas pleinement l’objectif de neutralité carbone malgré les efforts déployés par ces entreprises. Seulement 40% des émissions pourront être réduites. Pour pouvoir suivre leurs engagements, ces organisations comptent également sur la compensation carbone, plutôt que sur leur réduction : elles prévoient de compenser entre 23 % et 45 % de leurs émissions de gaz à effet de serre (GES).
Climate Action 100+, une coalition d’investisseurs spécialisée dans l’engagement actionnarial, a également publié un benchmark de 170 entreprises en 2023 en analysant leur stratégie de transition écologique et énergétique. Selon la coalition, les résultats sont loin d’être satisfaisants.
En France, on retrouve ce décalage dans la publication du bilan des émissions de GES: malgré l’obligation de réaliser et de publier son bilan des émissions de GES sur le site de l’ADEME, accompagné de sa stratégie de réduction des émissions, certaines grandes entreprises manquaient à l’appel en janvier 2023, selon le journal Le Monde.
Mettre en place un plan de réduction des émissions pertinent et impactant à l’aide d’un bilan des émissions de GES exact et précis reste le meilleur moyen d’éviter le greenwashing !
🚀 Attirer les jeunes talents d’aujourd’hui et de demain
Les grandes entreprises sont constamment à la recherche des jeunes talents d’aujourd’hui et de demain. Aujourd’hui, ces jeunes talents sont sensibles aux enjeux environnementaux et sont plus susceptibles de rejoindre une entreprise avec de véritables engagements pour le climat et prenant une démarche de décarbonation.
Quelles difficultés pour les grandes entreprises à se décarboner ?
👥 Difficultés de mobilisation interne
En interne, le plan de réduction des émissions qui vise à définir les objectifs carbone et les mesures pour les atteindre est souvent pilotée par un département RSE (responsabilité sociale et environnementale). Cependant, entre 60 et 90% du potentiel de réduction des émissions de GES dépendent des fournisseurs de l’entreprise, donc d’une source sur laquelle la RSE n’a pas la main directement.
RSE et Achats doivent donc apprendre à travailler ensemble pour piloter le plan de réduction des émissions. Un manque de coordination durant le pilotage peut créer des difficultés à la l’atteinte des objectifs.
📊 Difficultés de collecte des données
Un bilan des émissions de GES est divisé en 3 scopes : scope 1, les émissions directes de l’entreprise, scope 2, les émissions indirectes de l’entreprise (émises par des fournisseurs d’énergie), et scope 3, émissions indirectes non contrôlables par l’entreprise.
Les grandes entreprises ont souvent des centaines de fournisseurs, et elles rencontrent plusieurs types de difficultés pour collecter les données nécessaires à la réalisation d’un bilan des émissions de GES complet.
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- D’une part, des problèmes dû au nombre de fournisseurs : il est difficile de se coordonner efficacement pour récolter les données en temps et en heure.
- D’autre part, les fournisseurs n’ont pas tous la même maturité, c’est-à-dire le même degré d’expertise sur les sujets de décarbonation et de climat, et ne fourniront donc pas tous des données de même qualité.
Les grandes entreprises rencontrent également des difficultés pour enrôler les fournisseurs dans leur démarche de décarbonation :
🚚 Difficultés logistiques : collecter ces données en interne (pour les fournisseurs) demande du temps, de l’argent, et des ressources que les fournisseurs n’ont pas forcément à disposition.
📋 Difficultés méthodologiques : jusqu’à récemment, il n’existait pas de norme pour calculer le PCF (product carbon footprint, ou poids carbone d’un produit/service), et les données récoltées par la grande entreprise n’étaient pas homogènes. Il existe maintenant la norme ISO 14067, qui fixe le cadre du calcul du poids carbone d’un produit ou d’un service.
🔓Des freins qui se lèvent ?
Si les grandes entreprises rencontrent des difficultés dans la mise en place d’un plan de réduction des émissions, certains freins sont en train de se lever.
Les difficultés liées aux fournisseurs évoquées plus haut peuvent être en partie résolues grâce à une plateforme dédiée à la collecte et au traitement des données concernées : une plateforme comme GCI, financièrement accessible pour les grandes entreprises et gratuite pour les fournisseurs.
Concernant l’enrôlement des fournisseurs, il se développe actuellement une tendance à la discrimination carbone positive. Si une grande entreprise a le choix entre des produits ou services de même prix et de même qualité, leur poids carbone peut être un troisième critère de choix. Cette tendance encourage les fournisseurs à calculer leurs PCF et à s’engager dans une démarche de décarbonation, pour rendre leur produit plus attractif et améliorer leur compétitivité carbone.
Enfin, un frein réglementaire au calcul d’un bilan des émissions de GES complet et à une décarbonation efficace des grandes entreprises était la non obligation d’inclure le scope 3 dans le bilan, qui pourtant compose la majeure partie des émissions de GES d’une entreprise. Il est désormais obligatoire depuis juillet 2022, incitant à une décarbonation plus efficace.
Pour aller plus loin :
- En savoir plus sur le bilan carbone des entreprises publiques
- Découvrez l’impact environnemental des Entreprises de Taille Intermédiaire (ETI)
- Comment les associations peuvent-elles prendre leur responsabilité en matière de carbone ?
- Actions de réduction de GES pour réduire l’empreinte transport de son entreprise
- Comment calculer l’empreinte carbone d’un événement ?
- Collectivités territoriales et CO2 : comment décarboner ?
- Comment la finance devient un acteur de la transition écologique ?
- Spécificités des activités et services numériques dans le bilan carbone
- SFDR : un nouveau tournant pour les marchés financiers européens