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Les acteurs de la compensation carbone : perspectives et critiques.

Acteurs compensation carbone

Dans une démarche de transition écologique et énergétique, de nombreux pays (dont la France) et entreprises ont fixé un objectif de neutralité carbone en 2050. Pour atteindre cet objectif, il est parfois nécessaire de compenser ses émissions. On entre alors dans le domaine de la finance climat.

Effectivement, une fois l’empreinte carbone quantifiée grâce à un bilan des émissions de gaz à effet de serre (GES), et le plan d’action de transition appliqué, certaines émissions peuvent s’avérer incompressibles. Cela peut dépendre du fonctionnement de l’entreprise, de son secteur ou de son activité. Un fabricant de moteurs thermiques aura par exemple du mal à réduire les émissions liées à l’utilisation de ses moteurs, le produit vendu (scope 3 du bilan carbone). 

Dans ces cas-là, la compensation (ou “contribution”) peut être un autre moyen de réduire son empreinte carbone. Elle s’appuie sur le principe (théorique) que l’impact des GES reste le même, où qu’ils soient émis. Réduire ses émissions de GES chez soi ou ailleurs a donc le même impact sur la quantité finale de GES dans l’atmosphère, en théorie.

Un financeur peut ainsi acheter des crédits carbone, financer un projet de réduction d’émissions, et ainsi contribuer à leur baisse à hauteur de son financement. Il peut se trouver dans le pays du financeur (en France par exemple) ou à l’étranger. Un crédit carbone correspond à une tonne de CO2 évitée, que ce soit par séquestration ou réduction (à travers le déploiement d’énergies renouvelables par exemple) des émissions.

Malgré sa nécessité, la compensation carbone, et notamment ses différents intervenants, sont sujets à critiques et controverses. Cet article explorera ces critiques et étudiera les perspectives d’avenir du secteur.

1. Quels sont les différents acteurs de la compensation carbone volontaire ?

1.1. Différencier contribution volontaire et obligatoire

1.2. En amont du projet

1.3. En aval du projet

2. Des acteurs controversés

2.1. L’utilisation des crédits carbone

2.2. Les crédits fantômes

2.2. La surestimation de l’efficacité des projets

3. Perspectives d’avenir

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Quels sont les différents acteurs de la compensation carbone volontaire ?

Commençons par étudier le fonctionnement du secteur et les interactions entre ses différents intervenants.

🙋Différencier contribution volontaire et obligatoire

Les crédits carbone sont vendus sur deux places financières :

  • Le marché réglementé, créé à la suite du Protocole de Kyoto (1997), sur lequel interviennent les Etats et entreprises soumis à des obligations de réduction d’émissions de gaz à effet de serre.
  • Le marché volontaire, développé en parallèle du premier, sur lequel interviennent les particuliers et les entreprises souhaitant volontairement compenser leurs émissions.

Les controverses que nous allons étudier concernent la place financière volontaire (finance privée). Du fait de sa nature volontaire, il n’y a pas d’autorité neutre pour attester de la qualité des crédits vendus, ou les distribuer en fonction des projets. C’est pour cela que se sont développés des labels, qui attestent de leur qualité selon des méthodologies spécifiques et vérifiables, et différents acteurs autour de l’échange de ces crédits. Toutefois, ils n’échappent pas à certains écueils et dérives.

⛰️En amont du projet

En amont se trouvent plusieurs intervenants, selon l’ADEME.

  • Le fonds d’investissement carbone, qui existe pour permettre le développement de projets de contribution carbone qui délivreront des crédits à terme.
  • Le porteur du projet, qui propose, met en place et gère le programme de compensation carbone.
  • Le consultant carbone, qui réalise des études de terrain pour évaluer l’impact carbone du projet, et aide le porteur dans ses démarches administratives pour obtenir des crédits carbone.
  • Le label carbone, qui donne une certification au cours d’un processus en plusieurs étapes.
  • L’auditeur carbone, qui vérifie la quantité des réductions de GES.

Une fois le projet mis en place, labellisé, et la quantité des GES réduits auditée, les crédits sont vendus sur la place financière volontaire, à un prix déterminé par les différents critères du projet. Ils correspondent à une tonne de CO2 déjà évitée, son évitement étant vérifié et certifié par les auditeurs et le label choisi.

🏞️En aval du projet

Une fois les crédits carbone émis, d’autres acteurs interviennent, toujours selon l’ADEME.

 

  • Les opérateurs de la compensation carbone, souvent des cabinets de conseil ou des ONG, proposent des solutions adaptées à leur client. En matière de contribution carbone, cela peut être la proposition d’achat de crédits carbone liés à un programme correspondant particulièrement aux valeurs et souhaits du client.
  • Le courtier carbone a une mission d’achat et de vente de crédits carbone sur la place financière. Il met en relation les gérants avec les financeurs, qui s’échangent les crédits à un prix convenu.
  • Le financeur, ou client final de la compensation, est l’organisme ou le particulier qui achète les crédits carbones pour compenser une partie de ses émissions irréductibles à hauteur de son achat.
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Des acteurs controversés

La contribution carbone est jeune, et dans le cas de la contribution volontaire, pas réglementée. Cela amène à des dérives et écueils de la part de certains intervenants.

💸L’utilisation des crédits carbone

Il est reproché à certaines entreprises de baser toute leur stratégie pour atteindre la neutralité carbone sur la compensation, à travers l’achat de crédits, sans réduire leurs propres émissions.

Ce faisant, la compensation carbone est considérée comme un levier égal à la décarbonation des activités pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Cependant, la contribution carbone n’annule pas l’effet des émissions effectives.

Un plan d’action de réduction des émissions passe d’abord par la décarbonation de son activité dans la mesure du possible, et seulement ensuite par la compensation. Ce ne sont pas deux leviers interchangeables.

Il est également reproché à l’initiative “Science-based target initiative” de vouloir compter l’achat de crédits carbone comme un moyen de réduction des émissions. Le cabinet Carbone 4 estime que c’est un pas en arrière dans l’ambition historique de l’initiative et retarderait les mesures collectives à mettre en place.

C’est contre-productif, ne serait-ce que parce que cela n’encourage pas les entreprises à véritablement repenser leur modèle et décarboner leur chaîne de valeur.

Ce n’est également pas cohérent d’un point de vue scientifique. L’achat de crédits carbone ne réduit en rien les dépendances aux énergies fossiles identifiées par un bilan d’émissions de GES.

Cette utilisation peut mener à une communication dangereuse, avec des objectifs surestimés, et des affirmations fausses. Un produit n’est pas neutre en carbone parce que l’entreprise a acheté des crédits. Sa production aura tout de même émis des GES.

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👻Les crédits fantômes

Certains labels font face à des critiques concernant leur méthodologie, et la vente de crédits fantômes. C’est ce qui est arrivé à la certification Verra, ONG internationalement reconnue, en août 2023.

Après une enquête des journaux The Guardian, Die Zeit et SourceMaterial, il est révélé qu’environ 90% des crédits carbone certifiés par le label, dans le cadre du programme “Réduction des émissions provenant de la déforestation et de la dégradation des forêts”, sont en fait inefficaces dans la lutte contre le dérèglement climatique.

🏋️‍♀️La surestimation de l’efficacité des projets

Des opérateurs de compensation carbone font également face à des critiques méthodologiques, comme le leader South Pole, une entreprise Suisse spécialisée dans le financement de projets susceptibles d’atténuer le niveau de concentration des gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Elle vend ensuite les crédits carbone associés à ces projets à des entreprises intéressées.

En 2023, d’après le quotidien suisse “Der Bund”, South Pole aurait surestimé de 50% l’efficacité de crédits carbone liés au projet “Kariba”, qui aurait dû permettre d’éviter la destruction d’une forêt de la taille de Porto Rico.

South Pole s’est défendu en invoquant un mécanisme de correction : tous les dix ans, les projets de déforestation réévaluent le taux de déforestation supposé dans le projet initial, et les crédits délivrés sont ajustés en fonction.

Il est vrai qu’un problème posé par les projets de contribution carbone est qu’ils n’ont pas toujours le rendement annoncé. Le climat n’est pas une science exacte. Les estimations d’absorption des forêts françaises ont par exemple été revues à la baisse en 2024 par rapport à 2023.

Il n’empêche que la réputation de l’entreprise est ternie, et de nombreuses entreprises s’en détachent.

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🔮Perspectives d’avenir

Le marché de la contribution carbone volontaire est estimé à 2 milliards de dollars en 2024. Il est en pleine expansion, et encore jeune.

Les différents scandales autour des intervenants de ce secteur en ont terni la réputation et mis à mal la confiance des entreprises. Il semble qu’elles souhaitent avoir une démarche plus prudente et méthodique dans leur compensation, en vérifiant plus précisément les méthodologies associées aux labels disponibles sur le marché, et en se détachant d’acteurs controversés.

Certaines, comme la marque Volkswagen, ne font plus appel à des opérateurs de compensation carbone, et préfèrent mettre en place leurs propres projets.

Ces scandales appellent à une correction des méthodologies, afin que les crédits vendus puissent être dirigés vers des projets véritablement utiles dans la lutte contre le dérèglement climatique et que la finance privée puisse jouer correctement son rôle. Ils appellent également à une prise de conscience concernant la compensation carbone, qui ne remplace pas une stratégie de décarbonation.

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